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Depuis plusieurs semaines, l’animateur et humoriste Michaël Benayoun (plus connu sous le nom de Michaël Youn), le vidéaste gaming Julien Morana (alias Siphano) ainsi que le vidéaste gaming Julien Chièze (alias SkyRRoZ) sont apparus dans des publicités en ligne, notamment sur les plateformes YouTube, TikTok et X (anciennement Twitter), pour faire la promotion du jeu mobile Last War. La fréquence d’apparition de ces publicités, leur ton décalé et le contenu parfois jugé trompeur ont rapidement suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux et dans la communauté gaming. Selon les étudiants de l’IUT de Lannion, 61.9% d’entre eux aurait déjà entendu parler de Last WAR et 66.67% d’entre eux ont connus le jeu mobile grâce aux publicité de Michaël Youn, SkyRRoZ ou Siphano et beaucoup s’interrogent : ces personnalités jouent-elles vraiment à ces jeux ? Sont-ils complices de publicités mensongères ? Et plus largement, quelle est la responsabilité des influenceurs dans la promotion de jeux mobiles souvent critiqués pour leurs pratiques marketing ?
Qu’est-ce que Last War ?
Last War est un jeu mobile de stratégie et de gestion, disponible gratuitement sur les plateformes iOS et Android. Développé par un studio basé en Asie, le jeu propose aux joueurs de construire et développer une base militaire, de recruter des soldats, de collecter des ressources et de participer à des batailles contre d’autres joueurs ou contre l’intelligence artificielle. Le gameplay s’inspire de nombreux titres à succès du même genre, mêlant gestion de ressources, amélioration de bâtiments et affrontements tactiques.
Cependant, ce qui distingue Last War de ses concurrents, ce n’est pas tant son gameplay que sa stratégie marketing. Depuis son lancement, le jeu s’est fait remarquer par une campagne publicitaire massive, utilisant des vidéos accrocheuses, des scénarios exagérés et, plus récemment, la participation de célébrités et d’influenceurs français. Les publicités mettent souvent en scène des situations spectaculaires : des bases détruites en quelques secondes, des héros surpuissants, ou encore des choix moraux qui changeraient radicalement le cours de la partie. Or, la plupart de ces éléments sont absents ou très secondaires dans le jeu réel, ce qui alimente la frustration de nombreux joueurs.
Le modèle économique de Last War repose sur le free-to-play, avec des achats intégrés permettant d’accélérer la progression ou d’obtenir des avantages compétitifs. Ce modèle, très répandu dans l’industrie du jeu mobile, est souvent critiqué pour encourager la dépense impulsive et pour créer un déséquilibre entre joueurs payants et non-payants.
Pourquoi le jeu et ses pubs créent-elles la polémique ?
La polémique autour de Last War ne se limite pas à la simple question de la qualité du jeu. Elle touche à des enjeux plus larges, liés à la publicité dans le secteur du jeu vidéo mobile, à la transparence des influenceurs et à la protection des consommateurs, notamment les plus jeunes.
Des publicités jugées trompeuses
Depuis plusieurs années, les jeux mobiles rivalisent d’ingéniosité pour attirer l’attention des joueurs potentiels. Les publicités pour Last War illustrent parfaitement cette tendance : elles montrent des séquences de gameplay spectaculaires, des mécaniques de jeu inédites ou des graphismes bien supérieurs à la réalité. Par exemple, certaines pubs mettent en scène des choix moraux complexes, des batailles épiques ou des énigmes à résoudre, alors que le jeu réel se concentre principalement sur la gestion de base et les combats automatisés.
De nombreux internautes ont dénoncé ces pratiques sur les réseaux sociaux, accusant Last War de « publicité mensongère ». Des vidéos de comparaison entre les pubs et le jeu réel circulent, montrant l’écart parfois flagrant entre la promesse et la réalité. Cette situation n’est pas nouvelle : d’autres jeux mobiles, comme Mafia City ou Evony, ont déjà été épinglés pour des publicités trompeuses, mais la participation de personnalités connues donne à la polémique une ampleur inédite.
L’implication des influenceurs
Ce qui a particulièrement choqué une partie du public, c’est la présence de Michaël Youn, Siphano et SkyRRoZ dans ces publicités. Pour beaucoup, leur participation est perçue comme une caution morale, voire une validation du jeu et de ses pratiques marketing. Or, certains fans estiment que ces influenceurs, en acceptant de prêter leur image à des campagnes jugées trompeuses, trahissent la confiance de leur communauté.
La question de la responsabilité des influenceurs est d’autant plus sensible que leur public est souvent jeune et impressionnable. Les recommandations ou les promotions faites par des personnalités appréciées peuvent avoir un impact considérable sur les choix de consommation, d’où l’importance d’une certaine éthique dans le choix des partenariats.
Un débat sur la régulation
Face à la multiplication des publicités jugées trompeuses dans le secteur du jeu mobile, certains appellent à une meilleure régulation. En France, la loi encadre déjà la publicité mensongère, mais l’application de ces règles au secteur du jeu vidéo mobile reste complexe, notamment lorsque les éditeurs sont basés à l’étranger. Les autorités de régulation, comme l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), sont régulièrement saisies, mais les sanctions restent rares et peu dissuasives.
La réaction de Michaël Youn
Contacté par nos soins, Michaël Youn a accepté de s’exprimer sur la polémique. L’humoriste, connu pour ses rôles décalés et son humour provocateur, a expliqué les raisons de sa participation à la campagne Last War :
« Je ne suis pas un spécialiste du gaming, j’ai accepté de tourner cette pub comme je l’ai fait pour d’autres marques. Je fais confiance aux équipes qui me proposent ces projets, mais je comprends que certains puissent être déçus si le jeu ne correspond pas à ce qui est montré dans la pub. »
Sur ses réseaux sociaux, Michaël Youn a également précisé qu’il n’avait pas testé le jeu en profondeur avant de participer à la campagne, et qu’il n’était pas impliqué dans la conception des publicités. Il affirme avoir été séduit par le ton humoristique du spot, sans se douter de la controverse que cela allait susciter.
Cette réaction a été diversement accueillie par le public. Certains estiment que Michaël Youn, en tant que personnalité publique, aurait dû se renseigner davantage sur le produit qu’il promouvait. D’autres lui accordent le bénéfice du doute, rappelant que de nombreux artistes participent à des campagnes publicitaires sans être experts du secteur concerné.
La réaction de Siphano
Siphano, l’un des vidéastes gaming les plus suivis en France, a également été pris dans la tourmente. Habitué à présenter des jeux vidéo sur sa chaîne YouTube, il a réagi à la polémique dans une story Instagram :
« J’ai été contacté pour faire une opération sponsorisée, comme cela arrive régulièrement. J’ai testé le jeu avant d’en parler, mais je n’ai pas eu la main sur le montage final de la publicité. Je comprends les critiques sur les pubs trompeuses, c’est un vrai problème dans le secteur du mobile. »
Siphano a également rappelé à sa communauté l’importance de vérifier par soi-même la qualité d’un jeu avant de se fier à une publicité, même si elle met en scène des créateurs connus. Il a insisté sur le fait que, dans le cadre de partenariats sponsorisés, les influenceurs n’ont pas toujours le contrôle sur le contenu final diffusé par les annonceurs.
Cette mise au point n’a pas suffi à calmer tous les esprits. Certains fans lui reprochent d’avoir accepté un partenariat avec un jeu dont la réputation était déjà controversée. D’autres saluent sa transparence et sa volonté de dialoguer avec sa communauté.
La réaction de SkyRRoZ
SkyRRoZ, également impliqué dans la campagne, a choisi de répondre directement à ses abonnés sur X :
« Je ne cautionne pas les pubs mensongères, mais il faut aussi comprendre que les créateurs n’ont pas toujours le contrôle sur la façon dont leur image est utilisée. Je reste vigilant sur les partenariats que j’accepte, mais il peut arriver que le résultat final ne corresponde pas à ce qui était prévu. »
Il a ajouté qu’il allait être plus attentif à l’avenir concernant les collaborations avec des éditeurs de jeux mobiles. SkyRRoZ a également évoqué la difficulté, pour les créateurs de contenu, de trouver un équilibre entre la nécessité de financer leur activité et le respect de leur communauté.
Un phénomène qui dépasse Last War
La polémique autour de Last War s’inscrit dans une tendance plus large : la multiplication des publicités trompeuses dans le secteur du jeu mobile, et l’implication croissante des influenceurs dans ces campagnes. Selon une étude récente, près de 60 % des publicités pour des jeux mobiles présenteraient des éléments de gameplay inexistants ou exagérés. Cette situation s’explique par la forte concurrence sur le marché, où chaque éditeur cherche à se démarquer à tout prix.
Pour les influenceurs, la tentation est grande d’accepter des partenariats lucratifs, surtout lorsque les budgets publicitaires des jeux mobiles dépassent parfois ceux de l’industrie du cinéma ou de la télévision. Mais cette course à la visibilité n’est pas sans risque : la confiance du public, une fois ébranlée, est difficile à regagner.
Vers une prise de conscience ?
Face à la polémique, certains influenceurs commencent à revoir leur politique de partenariat. Plusieurs créateurs de contenu ont récemment annoncé qu’ils refuseraient désormais de promouvoir des jeux mobiles dont ils ne peuvent pas garantir la qualité ou l’honnêteté des publicités. Des initiatives émergent également pour sensibiliser le public, notamment les plus jeunes, aux dangers des publicités trompeuses et des achats intégrés.
Du côté des éditeurs, la pression monte pour adopter des pratiques plus transparentes. Certains studios ont commencé à collaborer avec des influenceurs pour créer des contenus authentiques, basés sur le gameplay réel, plutôt que sur des promesses exagérées. Mais le chemin vers une publicité plus éthique reste long, tant les enjeux financiers sont importants.
En résumé
La controverse autour de Last War, Michaël Youn, Siphano et SkyRRoZ met en lumière les dérives de la publicité dans le secteur du jeu mobile, mais aussi la responsabilité des influenceurs et des personnalités publiques. Si la tentation de céder à des partenariats lucratifs est compréhensible, elle doit s’accompagner d’une vigilance accrue, notamment lorsque le public visé est jeune et impressionnable.
Pour les joueurs, cette affaire rappelle l’importance de la prudence face aux promesses publicitaires, et la nécessité de se forger sa propre opinion avant de télécharger ou d’acheter un jeu. Pour les influenceurs, elle pose la question de l’éthique et de la transparence, deux valeurs essentielles pour préserver la confiance de leur communauté.
En définitive, la polémique Last War n’est sans doute qu’un épisode parmi d’autres dans la longue histoire des relations entre publicité, jeux vidéo et influenceurs. Mais elle pourrait marquer un tournant, en incitant chacun à plus de responsabilité et de discernement, pour un secteur du jeu mobile plus respectueux de ses joueurs et de ses partenaires.